Littérature et Jeux Olympiques
Nous y sommes presque, l'occasion d'évoquer rapidement les liens anciens entre ces deux activités.
Les Jeux Olympiques sont souvent perçus comme une compétition purement physique, un spectacle de force, de vitesse et d’endurance. Pourtant, ces jeux, inspirés de l’Antiquité grecque, ont toujours été bien plus que cela. La littérature, comme un miroir de la société, a souvent capturé l’essence même de l’esprit olympique à travers ses récits, ses poèmes et ses réflexions philosophiques. Cette relation se manifeste à travers les âges dans des formes variées.
L’Antiquité : Quand les poètes célébraient les champions
Il n’y avait pas d’épreuves de poésie spécifiques aux Jeux Olympiques de l’Antiquité, mais la poésie et les arts étaient intimement liés aux célébrations des compétitions. Bien que les athlètes ne concouraient pas directement dans des compétitions poétiques, la victoire aux Jeux était souvent immortalisée par des poètes tels que
Pindare, qui composaient des odes pour glorifier les vainqueurs. Ces poèmes étaient ensuite chantés ou récités lors des cérémonies ou des banquets en l'honneur des champions, renforçant ainsi le prestige de ces derniers.
Il existait d'autres festivals dans le monde grec où la poésie et les arts étaient en revanche en compétition, comme les Jeux Pythiques, organisés en l'honneur d'Apollon à Delphes. Ces jeux incluaient des compétitions artistiques, notamment de musique, de poésie et de théâtre. Bien que distincts des Jeux Olympiques, ces événements témoignaient du lien profond entre le sport et les arts dans la culture grecque antique.
Ainsi, même sans épreuves formelles de poésie aux Jeux Olympiques, l'art poétique jouait un rôle crucial dans la célébration des athlètes et la diffusion de l'idéal olympique à travers la Grèce. La littérature servait ainsi à renforcer les valeurs fondamentales des Jeux : l’honneur, le respect, la discipline, et l’excellence. Ces thèmes, chantés par les poètes, n’ont jamais quitté le cœur de l’événement, même s’ils se sont transformés au fil des siècles.
L’humanisme et l’idéal olympique
Le renouveau des Jeux Olympiques modernes en 1896, initié par
Pierre de Coubertin, était également nourri d’une réflexion littéraire et philosophique. Coubertin lui-même voyait dans les Jeux un moyen de promouvoir un idéal humaniste :
« L’important dans la vie, ce n’est pas le triomphe mais le combat. L’essentiel n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu. » Cette maxime, imprégnée de valeurs morales et éthiques, montre à quel point la littérature et les Jeux Olympiques partagent un fondement commun : la quête d’un idéal.
La poésie a même joué un rôle direct dans les Jeux Olympiques, à travers les Concours d'art olympiques, initiés dans l'esprit de son idéal par Coubertin pour ces Jeux modernes. De 1912 à 1948, les épreuves artistiques, dont la poésie, figuraient parmi les compétitions officielles. Ces concours récompensaient des œuvres en lien avec le sport dans plusieurs catégories artistiques : littérature, peinture, sculpture, musique et architecture.
Ainsi, à Paris en 1924,
Henry de Montherlant était l'un des concurrents, tandis que se trouvaient parmi les jurés :
Paul Valéry,
Paul Claudel,
Jean Giraudoux,
Selma Lagerlöf,
Maurice Maeterlinck...
Pour en savoir plus sur cette étonnante rencontre entre les deux mondes, olympique et littéraire, il faut lire
Les Jeux Olympiques de littérature,
de
Louis Chevaillier, Grasset 2024.
Cependant, après les Jeux de 1948, ces concours d’art ont été supprimés, jugés incompatibles avec l'amateurisme olympique, puisque de nombreux artistes étaient des professionnels.
Le sport, source d’inspiration littéraire
Les Jeux Olympiques modernes ont inspiré d’innombrables écrivains, journalistes et poètes. Parmi eux, on retrouve des auteurs comme
Jean Giraudoux (juré aux JO de Paris 2024 !)
qui dans son essai
Le Sport publié en 1928, s'interroge sur l’âme du sportif et la portée culturelle de l’événement. Le sujet a été traité en nouvelles (Paul Morand), en poésie (Géo-Charles), etc. De son côté,
Albert Camus, dans ses écrits journalistiques, aborde le football et la boxe, et il n’hésite pas à faire des parallèles entre la compétition sportive et les grandes questions philosophiques de l’existence humaine. Et comment ne pas citer les articles d'Antoine Blondin !
Littérature et Jeux Olympiques aujourd’hui
Aujourd’hui encore, la littérature continue de dialoguer avec l’univers des Jeux Olympiques. Mais les oeuvres de fiction y faisant référence sont plutôt rares, tandis que les biographies d’athlètes, les récits sur les coulisses des compétitions et les analyses critiques des impacts socio-politiques des Jeux nourrissent abondamment les librairies et les magazines. Des auteurs contemporains s’interrogent aussi dans de nombreux essais sur la place des femmes dans les compétitions olympiques, sur les scandales de dopage ou encore sur la marchandisation croissante de cet événement mondial. Et on peut citer au moins une pièce de théâtre dépeignant l'évènement sportif le plus symbolique des Jeux :
Le Marathon de
Claude Confortès, Gallimard 1973.
Un exemple de roman/biographie :
Courir de
Jean Echenoz, les Éditions de Minuit, 2008
Ce récit raconte la vie d'Emil Zátopek, légendaire coureur olympique tchèque, qui a remporté quatre médailles d’or aux Jeux Olympiques. Echenoz retrace son parcours, des débuts modestes jusqu’à sa reconnaissance mondiale, et examine l’impact de la politique et de la guerre froide sur le sport.
et aussi, pour n'en citer que quelques uns dans une très longue liste, en commençant par le Baron lui-même :
Mémoires Olympiques
de
Pierre de Coubertin, Mémoria Books, 2023
Ballades Olympiques de
Thierry Terret, L'Harmattan 2021
Géostratégix : Un Monde de Jeux de
Pascal Boniface
et Tommy, Dunod
2024
et LA référence sur les Jeux de l'ère moderne :
Olympisme, une Histoire du Monde - Athènes 1896 - Paris 2024
de
Pascal Blanchard,
Éditions de la Martinière 2024
Et bien sûr, comment l'oublier :
Astérix aux Jeux Olympiques de
René Goscinny et
Albert Uderzo, Hachette 1968
La relation entre la littérature et les Jeux Olympiques est une rencontre entre deux formes d’expression qui cherchent à capturer l’essence de l’humain. D’un côté, le sport incarne le dépassement physique, la discipline et le spectacle, tandis que la littérature traduit ces mêmes expériences à travers les mots, les récits et les symboles. Ensemble, ils forment un dialogue éternel qui, de l’Antiquité à nos jours, continue de fasciner et d’inspirer l’humanité.
Alors, bonne lecture et... bons Jeux à tous !
(En espérant que nos athlètes n'auront pas mangé des sangliers qui auront mangé quelque chose...)